Nouveau droit des obligations : focus sur la consécration de la possibilité de remplacer l’entrepreneur défaillant
L’article 5.85 du nouveau Code civil consacre la possibilité de procéder au remplacement de l’entrepreneur défaillant.
L’article 5.85 du nouveau Code civil prévoit trois types de remplacements : le remplacement judiciaire, le remplacement « contractuel » et le remplacement unilatéral.
Le remplacement judiciaire :
Le remplacement judiciaire semble avoir été érigé en tant que principe par le législateur.
En effet, l’article 5.235 du nouveau Code civil indique la marche à suivre pour solliciter le remplacement de l’entrepreneur défaillant.
Le maître d’ouvrage devra demander au juge l’autorisation de procéder au remplacement, en faisant appel à un entrepreneur tiers pour effectuer le travail.
Les frais exposés pour le remplacement seront à charge de l’entrepreneur défaillant et le juge pourra le condamner au paiement d’un montant provisionnel, en attente du décompte final des frais réellement exposés.
L’article 5.235 du nouveau Code civil prévoit également que le travail réalisé par le premier entrepreneur « contrairement à ses obligations » (à titre d’exemple, un travail réalisé de manière contraire aux règles de l’art), pourra être détruit afin de permettre au nouvel entrepreneur de réaliser un travail conforme. Les frais de destructions seront également à charge de l’entrepreneur défaillant.
Le remplacement « contractuel » :
La possibilité de procéder au remplacement peut également avoir été prévue contractuellement. Dans ce cas, le contrat fait la loi des parties et il conviendra de respecter les modalités prévues par le contrat pour procéder au remplacement en cas de défaillance de l’entrepreneur.
Le remplacement unilatéral :
En cas de réelle urgence, empêchant de recourir à une procédure plus longue telle que le remplacement judiciaire, et en l’absence de clause contractuelle prévoyant le remplacement, le maître de l’ouvrage pourra, procéder unilatéralement au remplacement. L’article 5.85 du nouveau Code civil indique que ce type de remplacement ne pourra s’effectuer qu’en cas d’urgence ou d’autres circonstances exceptionnelles. Le législateur spécifie également que lorsque le créancier procède au remplacement unilatéral, il agit à ses risques et périls.
Différentes conditions d’applications doivent d’ailleurs être remplies :
- L’entrepreneur doit avoir été mis en demeure préalablement par le maître d’ouvrage, lui ayant laissé un délai raisonnable afin de s’exécuter. Cette modalité n’est pas explicitement prévue par l’article 3.85 du nouveau Code civil mais constitue un élément essentiel pour démontrer, à postériori, les manquements de l’entrepreneur.[1]
- Le créancier doit avoir pris les mesures utiles pour établir l’inexécution de l’entrepreneur. Cela implique que le maître d’ouvrage doit prouver la défaillance de l’entrepreneur. Prenons le cas d’un travail commencé et mal exécuté et ensuite laissé à l’abandon par l’entrepreneur, la preuve de la défaillance de l’entrepreneur pourrait être démontrée via un constat technique. L’idéal serait que les constats soient posés de manière contradictoire, ce qui n’est que rarement possible face à un entrepreneur défaillant.
- Le créancier doit notifier de manière écrite sa décision de procéder au remplacement, en indiquant de manière claire les différents manquements reprochés à l’entrepreneur ainsi que les circonstances justifiant le remplacement.
Aux vu de ces éléments et afin d’éviter une prise de risque dans le chef du maître d’ouvrage, il est dès lors préférable pour les parties d’insérer dans le contrat une clause prévoyant clairement la faculté de remplacement et dans quelles conditions elle pourra être exercée par le créancier.
Pierre HENRY
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Laura WALOCHA
laura.walocha@avocat.be
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[1] Ninane, Y. et Thüngen, R., « L’inexécution du contrat imputable au débiteur » in Jafferali, R. (dir.), Le Livre 5 du Code civil et le nouveau droit des contrats, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2022, p. 219-280