La responsabilité in solidum de l’architecte et de l’entrepreneur : utilité des clauses d’exonération de responsabilité ?
L’architecte et l’entrepreneur sont responsables in solidum lorsqu’un dommage trouve son origine dans leurs fautes concurrentes et que, sans la faute de l’un, la faute de l’autre n’aurait pas suffi à causer le dommage. Chacun a donc l’obligation de réparer l’ensemble du dommage.
Le maître d’ouvrage pourrait dès lors indifféremment choisir de s’adresser à l’architecte ou à l’entrepreneur pour lui réclamer l’entièreté de son dommage, à charge pour celui qui aura indemnisé le maître d’ouvrage de se retourner ensuite contre l’autre intervenant fautif pour lui réclamer sa part.
On trouve toutefois souvent dans les contrats d’architecture et les contrats d’entreprise des clauses d’exonération de la responsabilité in solidum dont l’objectif est de limiter la responsabilité de l’architecte ou de l’entrepreneur à sa part du dommage.
L’architecte ou l’entrepreneur ne devra donc indemniser le maître d’ouvrage qu’à concurrence de sa part de responsabilité et non au-delà.
Ce type de clause est parfaitement valable pour ce qui concerne les vices cachés véniels, à savoir les vices qui ne portent pas atteinte à la solidité du bâtiment, mais en perturbent néanmoins l’utilisation normale et qui ne pouvaient pas être découverts lors de la réception provisoire des travaux par une personne normalement attentive.
En revanche, les clauses d’exonération de la responsabilité in solidum ne sont pas valables pour ce qui concerne la responsabilité décennale des architectes et entrepreneurs, c’est-à-dire la responsabilité du fait des vices graves qui portent atteinte ou sont susceptibles de porter atteinte à la solidité ou la stabilité du bâtiment.
La Cour de cassation s’est à nouveau prononcée sur cette question dans un récent arrêt du 12 février 2021.
Elle a tout d’abord rappelé les règles de la responsabilité décennale des entrepreneurs et architectes : si l’édifice construit, périt en tout ou en partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architecte et entrepreneur en sont responsables pendant dix ans. Après dix ans, l’architecte et les entrepreneurs sont déchargés de la garantie des gros ouvrages qu’ils ont faits ou dirigés.
La Cour de cassation a ensuite confirmé que la responsabilité décennale de l’architecte et de l’entrepreneur pour les vices graves affectant ou mettant en danger la solidité du bâtiment ou de l’un de ses principaux éléments est d’ordre public et ne peut être exclue ou limitée contractuellement.
Une clause limitant cette responsabilité qui tend, en cas de fautes concurrentes de l’architecte et de l’entrepreneur, à limiter leur responsabilité à leur part de dommage est nulle et non avenue, que les travaux aient été acceptés ou non par le maître d’ouvrage.
L’architecte et/ou l’entrepreneur ne peu(ven)t faire appel à une clause du contrat d’architecture ou d’entreprise selon laquelle la responsabilité in solidum avec l’entrepreneur ou l’architecte est exclue. L’architecte et l’entrepreneur seront donc condamnés in solidum au paiement de dommages et intérêts à l’égard du maître d’ouvrage.
En résumé : les clauses d’exonération de responsabilité sont extrêmement utiles pour ce qui concerne les vices cachés véniels, mais ne sont pas valables lorsqu’elles visent à limiter la responsabilité décennale résultant de vices graves mettant en péril la stabilité du bâtiment.
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Charlotte BRANDT
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